Elfen Lied: l'harmonie des contraires.
Qui a dit quil fallait se fier aux apparences ? Un ange peut cacher un démon et un visage couvert de sang masquer une âme brisée. Cest en tout cas sur ce principe que le manga Elfen Lied construit son intrigue, en ne cessant de jouer que sur le mélange improbable de la violence et de la beauté. Un concept fort particulier qui mérite largement dêtre découvert mais avec quelques précautions.
Le sang et les larmes...
La première scène de Elfen Lied est emblématique de lesprit de la série. Une jeune fille masquée dun casque de fer avance dans un couloir sombre en fredonnant une douce musique. Bientôt, cest sur du sang quelle marche. Des gardes surviennent de tous côtés mais meurent mystérieusement à son approche. Les têtes et les bras senvolent, le sang éclate sur les murs, le tout sur un très beau chur latin. La jeune fille continue sa marche dun ton nonchalant en tuant ses agresseurs et arrive devant locéan. Là, un garde sniper lui tire une balle dans la tête, le casque de fer tombe révélant un visage dange, la jeune fille tombe à la mer et sera ensuite recueillie par deux jeunes gens au passé torturé.
Je ne suis guère un spectateur amateur de gore doù une certaine réticence à regarder la série mais son charme particulier est indéniable. Toute lefficacité dElfen Lied tient dans le contraste entre lultra violence et la pureté des sentiments. Le sang nappelle pas le sang mais les larmes. La brutalité et la crudité des massacres renvoit à la tristesse des personnages engendrée par un lourd malheur. Un mal que les protagonistes tentent de combattre par laffection et la douceur, Elfen Lied étant au bout du compte la peinture de la lutte contre les pires vices de lhumanité tels que la discrimination, le rejet et lerrance. A limage de lhéroïne du manga à la double personnalité, tentant de masquer sa haine aveugle par laspect le plus adorable, tout se joue sur le mélange de deux ambiances radicalement opposées, la violence extrême pouvant ressurgir aux moments les plus paisibles tout comme des séquences dhorreur pouvant laisser place à la tendresse des sentiments.
Elfen Lied est donc une uvre bien plus complexe que le simple syndrome Docteur Jeckell et Mister Hyde, le manga évoluant avec efficacité avec ces deux atmosphères radicalement opposées pour au final parvenir à les rejoindre dans un résultat déconcertant et sublime. Les dessins témoignent de cette union entre le magnifique et lhorrible par un style typique des mangas féminins de jeunesse faisant encore davantage ressortir la violence inattendue de luvre. Le pari dElfen Lied est donc particulièrement difficile, créer un univers au contraste si saisissant implique le risque de diverses dérives que commet parfois le manga.
Il s'agit bel et bien de la même personne et l'ambiance de la série suit l'apparence de l'héroine mais surtout mélange ces deux aspects.
Tout dabord, Elfen Lied est un manga très sanglant, absolument déconseillé aux âmes sensibles. Sa grande force est de ne pas faire de la violence pour appeler plus de violence, mais pour introduire la pureté des sentiments humains, seulement le manga tombe par moments dans les flots dhémoglobines gratuits, un peu de pudeur supplémentaire aurait renforcé limpact de la série. De plus, afin de séloigner radicalement des scènes de violence, le manga tente au départ déquilibrer avec une bonne touche dhumour parfois efficace mais qui tombe souvent à plat. Le problème est résolu lorsque le manga sintéresse davantage par la suite aux sentiments des personnages, mais lensemble a un peu de mal à passer au commencement de la série.
Mais ses erreurs sont pardonnables car lexercice artistique essayé par le manga était réellement difficile et celui ci sen sort majoritairement dune très belle façon, les séquences finales du dessin animé étant sublimes. Létonnant contraste réalisé par la série surprend et fascine grâce à une grande réalisation très en finesse ou aussi très brutale (mis à part lusage abusif de flash-back mais cest un problème qui se pose pour bien des mangas) . Le scénario est excellent et lévolution de lintrigue est fort ingénieuse même si on regrettera la faible durée de la série (seulement 13 épisodes) , mais Elfen Lied privilégie la qualité à la quantité et offre un formidable final qui laisse une grande ouverture pour la suite. Enfin, la bande son du dessin animé est magnifique et transmet parfaitement toute lémotion et la tristesse véhiculées par le manga. A noter quun OAV est venu compléter la série, mais il ne sagit guère de lépisode 14 mais plutôt du 10.5 puisquil prend place entre les épisodes 10 et 11 et apporte quelques éclaircissements sur les nombreuses zones dombre laissées par la série. Aussi si vous choisissez de visionner le dessin animé, pensez à regarder cet OAV après lépisode 10 et non après la fin de la série, comme il est coutumier chez les mangas.
Malgré quelques maladresses, les qualités techniques, narratives et sonores de la série font que cet improbable contrastre fonctionne efficacement.
A condition de ne pas être répugné par la moindre goutte de sang, Elfen Lied est une uvre qui mérite certainement le détour.. Lalternance radicale dambiances au sein du dessin animé font que son intensité augmente soudainement sans préparer le spectateur et la force de la série nen est plus que forte, une puissance quau bout du compte les quelques maladresses du manga ne peuvent pas ternir. Le contraste étonnant dElfen Lied entre la violence folle et la beauté pure de lâme humaine fait que limpact provoqué par le manga lui est très propre et pourra autant fasciner que dérouter. Mais ce qui est sûr, cest que luvre témoigne de la créativité propre aux mangas. Qui aurait pu croire quune telle uvre artistique pouvant faire venir les larmes puisse naître dans un torrent de sang ?
Le bonheur peut t-il vaincre le désespoir?